Cet article a été initialement publié dans Les Echos, le 20 mars 2019. Cliquez ici pour lire l'article original.
Alors que la taxe Gafa constitue un véritable outil, bien qu’imparfait, de justice fiscale et économique, son abandon en Europe est l’illustration de la dictature de la minorité créée par un mode de gouvernance dépassé : l’unanimité. Il a suffi de quatre pays pour mettre à bas une taxe symbolique et affirmatrice d’une identité européenne fondée sur la contribution de tous au fonctionnement de l’État, aux investissements dans les infrastructures et aux mécanismes de redistribution.
Incarnation des égoïsmes nationaux, la décision à l’unanimité limite la capacité de l’Union à agir, à répondre fermement aux attentes des citoyens et nourrit le discrédit à l’égard de l’Union européenne. Outre les mesures fiscales, ce sont les actions de l’Union en matière sociale ou encore budgétaire qui sont soumises à cette règle d’un autre temps.
L’unanimité enferme
L’unanimité porte en elle les germes de la division. Comment se faire confiance quand une minorité d’États prévaut sur la majorité pour préserver des intérêts nationaux aux dépens des autres citoyens ? La majorité a cette vertu de laisser la place à la conviction, aux débats. A priori, tout est possible. Tous peuvent gagner, tous peuvent perdre. L’unanimité enferme. Elle clôture les opportunités de progrès en permettant à l’un de triompher des efforts de tous. Les membres de l’Union européenne, ses citoyens, partagent un commun trop grand pour accepter que 28 soient empêchés par un.
> Editorial : Taxe Gafa : une aventure hasardeuse
N’en déplaise à certains, l’Union européenne n’est pas une coalition d’États, c’est une union de citoyens qui a besoin d’une gouvernance pleinement démocratique. À l’Assemblée nationale et au Bundestag, les décisions sont-elles prises à l’unanimité ? Jamais ! Le Conseil de l’Union européenne est avant tout une chambre parlementaire, le transformer en arène d’intérêts antagonistes n’est ni la vision de la démocratie européenne ni la démocratie qui est pratiquée dans les États membres.
Sortir du statu quo
Une réforme s’impose, celle du mode de décision au Conseil de l’Union européenne en matière fiscale. Alors que l’unanimité prévaut aujourd’hui, seule une prise de décision majoritaire nous permettra d’adopter une taxe européenne pour lutter contre l’évasion fiscale et limiter l’optimisation fiscale, qui est l’unique voie pour rétablir l’équité fiscale entre les multinationales et nos PME.
Dans un monde où l’économie se joue des frontières, où la valeur créée est parfois impossible à territorialiser et où les capitaux peuvent librement transiter, décider et agir seul n’est plus possible. Ne pas en avoir conscience, c’est condamner l’action politique à une parole, à un affichage de volonté vaine en raison de l’incapacité à transformer le réel.
Les enjeux sont trop nombreux, trop importants pour que l’Union européenne continue dans cette voie sans issue. La justice fiscale, la transition écologique et la gestion des migrations sont certains des sujets qui nous imposent de penser le futur ensemble. Face à tant de défis, sortons du statu quo, sortons d’un club de Nations pour construire le futur européen. Une véritable Union.